Le siège de Paris

 Après l’humiliante défaite de la bataille de Sedan (31 août / 1er septembre 1870), les Prussiens encerclent Paris qu’ils attaquent dès le 19 septembre. Le blocus prussien interrompt tout contact avec l’extérieur et entraîne une importante pénurie de nourriture. Les Parisiens vont alors rivaliser d’ingéniosité pour communiquer avec la province et réciproquement.


Les ballons montés font leur apparition. Félix Tournachon, dit Nadar, crée la Compagnie Générale Aérostatique et de l’Autolocomotion Aérienne. Le premier ballon, Le Neptune, transporte à son bord journaux, dépêches et lettres. La plus grande aventure de l’histoire aéropostale civile et militaire commence. Soixante six ballons s’envolent des gares parisiennes, mises hors service par les bombardements, durant les 136 jours du Siège.
La province tente elle aussi de faire parvenir son courrier à Paris. Centralisé à Moulins, celui-ci est placé dans des boules scellées et étanches (pouvant contenir jusqu’à 700 lettres) déposées dans la Seine à Bray-sur-Seine, Thomery ou encore au pont de Samois, afin qu’elles descendent le cours du fleuve pour être interceptées dans la capitale.
Des pigeons voyageurs sont aussi mis à contribution. La valise diplomatique de l’ambassadeur des États-Unis sert au gouvernement en exil à Tours à faire passer des messages aux assiégés. Le 28 janvier 1871, un armistice signé à Versailles met fin au Siège de Paris.Le dimanche 18 septembredans l’après-midi, les relations postales entre Paris et la province sont interrompues, ainsi que les liaisons télégraphiques, et la dernière liaison ferroviaire par les Chemins de fer de l’Ouest est coupée, le siège de Paris commence.
Le lundi 19 septembre 1870, après l’échec d’une dernière tentative militaire à Chatillon et Clamart, la ville et sa proche banlieue sont encerclées.
Le gouvernement provisoire, dont une partie des membres est restée dans la capitale, poursuit la production avec le matériel conservé dans Paris des timbres qui commencent à manquer. Les planches d’impression des Cérès de 1849-1850, encore utilisables et correspondant aux tarifs en cours, sont réemployées, suite à la demande du 4 septembre 1870 du Gouvernement de la Défense Nationale. Dès la fin de la guerre franco-prussienne en 1871, Ernest Meissonier jette sur la toile une première idée d’un tableau symbolisant le siège de Paris. Il ne reprendra et ne terminera son oeuvre que bien plus tard, en 1884. Sa vision mêle réalité et allégorie. La figure de Paris – représentée par madame Meissonier, couverte d’un voile noir et d’une peau de lion, devant un drapeau tricolore en lambeaux -, se dresse sur les ruines d’une barricade. Au-dessus d’elle, dans un ciel roulant des nuages de cendres et de malheurs, le spectre de la famine plane sur un Paris incendié.

Couchés sur les palmes du martyr, gisent pêle-mêle soldats morts ou agonisant. Avec le réalisme minutieux qui le caractérise, Meissonier décrit chaque visage, chaque détail vestimentaire. Appuyé contre la personnification de Paris, se meurt le peintre Henri Regnault, tué à l’âge de 27 ans durant la seconde bataille de Buzenval en janvier 1871. Il symbolise toute une jeunesse prometteuse décimée par le conflit.
Bien que battus, les soldats encore valides poursuivent le combat. On les voit, à gauche de la composition, chargeant un canon ou sonnant la charge. Meissonier évoque enfin les souffrances des civils à travers quelques scènes observées avec compassion : un vieil homme cherche son fils parmi les cadavres, une femme présente à son mari leur enfant mort, une autre pleure sur le corps de son époux…

La défaite marque profondément et durablement la France de la fin du XIXe siècle. Ce traumatisme explique pourquoi, pendant de nombreuses années, le thème de la guerre de 1870 demeure présent dans la production artistique et populaire auprès du public. Comme d’autres peintres, sculpteurs ou écrivains, Meissonier célèbre l’esprit de sacrifice et l’héroïsme de ses compatriotes, dans le souci, plus ou moins conscient d’exalter un sentiment national et de préparer la revanche.

Création de la Poste par ballon monté et des premières cartes postales

Le 27 septembre 1870, l’Administration des Postes dans Paris publie deux décrets applicables dès le lendemain (« si le temps le permet ») autorisant l’acheminement de cartes-postes et de lettres ordinaires à destination de la France, de l’Algérie et de l’étranger par voie d’aérostats ou ballon monté). Ce service par ballons montés constitue la première expérience mondiale de transport par une administration postale de courriers par la voie des airs, marquant la naissance de la Poste aérienne.

L’article 2 du premier décret précise :

  1. Le poids des lettres expédiées par les aérostats ne devra pas dépasser 4 grammes.
  2. La taxe à percevoir pour le transport de ces lettres reste fixée à 20 centimes.
  3. L’affranchissement [au moyen de timbres poste] en est obligatoire.

Et précise en remarque que : les lettres fermées que le public entendra réserver pour être acheminées par les ballons montés devront porter sur l’adresse la mention expresse : « par ballons montés », etc.
L’article 3 du second décret précise le tarif des cartes-poste (ancêtre des cartes postales) : 10 centimes à destination de la France et de l’Algérie, et 20 centimes pour l’étranger. L’affranchissement au moyen d’un timbre-poste en est obligatoire.
Ces cartes-poste sont initialement supposées circuler par ballons libres (en paquet, attachées à un ballon de quelques mètres de diamètre, sans conducteurs ni autre cargaison). Mais en fait, après un échec initial, elles circuleront par ballon monté. Ces cartes-poste diffèrent des premières expériences limitées des sièges de Metz et de Strasbourg car elles résultent d’une initiative non militaire, et régies par un texte administratif, et elles seront largement diffusées dans la capitale et utilisées dans les communications privées vers la province.
Plus de deux millions et demi de lettres seront transportées hors de Paris par la voie des airs.
Reprise du service postal après le siège.
Le courrier n’arrive à nouveau par voies « usuelles » dans la capitale que le 5 février 1871, après passage par un service de censure allemand à Versailles, le 2 février, les premiers plis quittent Paris vers la province, non cachetés pour contrôle par la censure allemande, puis après le 15 février le service est rétabli pour les envois clos, dont lettres et colis en souffrances depuis six mois

L’émission dite du «Siège de Paris»

Dès la proclamation de la République le 4 septembre 1870, Anatole Hulot reçoit l’ordre de préparer des timbres à l’effigie de la République (au type Cérès de 1849), il réutilise les anciennes planches d’impression de 1849 et 1850 encore utilisables. Les premiers tirages des 10 et 20 centimes sont livrés le 11 octobre, puis le 40 centimes est livré mi-octobre. Ces trois valeurs ne couvrent pas tous les besoins, et ne sont pas disponibles dans un premiers temps en quantités suffisantes. Aussi les anciens timbres continuent à être utilisés, et certains seront même réimprimés durant le siège, dans l’attente de la préparation de nouvelles planches d’impression à l’effigie de Cérès pour des valeurs faciales qui n’existaient pas en 1849-1852 (5 centimes vert au type Empire dentelé, et, 1, 2, 4 et 80 centimes au type Empire lauré).
Les courriers ayant circulé dans Paris encerclé montrent une grande variété de timbres. En plus des nouveaux tirages au type Cérès, on trouve ainsi des timbres-poste au type «Empire lauré», des «Empire dentelé», et même des «Empire non dentelé» de 1852.
Ces timbres sont recherchés sur lettre ayant circulé dans Paris et les communes limitrophes encerclées par l’armée de l’Empereur Guillaume II, ainsi que sur les correspondances ayant pu sortir de Paris par ballons montés.
À la fin du siège (à partir de la mi-février seulement, après l’armistice du 28 janvier 1871), l’impression se poursuit avec ces mêmes planches, et les timbres sont distribués dans les bureaux de province. Ils remplacent alors progressivement, à partir de mars – avril 1871, les Cérès imprimées à Bordeaux dans les départements non occupés du sud de la France.
La série est donc appelée « Cérès du siège de Paris » en référence au contexte de leur apparition, mais ils ont continué à être utilisés et imprimés après ces événements, jusqu’à leur remplacement par d’autres valeurs par suite de changement des tarifs ou par un autre type dans le cas du 40 centimes.

Cérès dite du « Siège de Paris », 10 centimes bistre jaune

Le 10 centimes bistre-jaune a été mis à la disposition des usagers le 11 octobre 1870 dans les bureaux de la capitale uniquement dans un premier temps, puis sur l’ensemble du territoire après le 15 février 1871.
Le tirage total de cette valeur est de 34 063 500 exemplaires sur les planches d’impression déjà utilisées en 1850. Le créateur de l’illustration est le graveur Désiré-Albert Barre. Ces timbres sont imprimés en typographie à plat, en feuille de trois cents exemplaires, divisée en deux panneaux de 150 timbres (15 lignes de 10 timbres) séparé par une marge.
Il perd son usage principal et devient une valeur d’appoint le 1er septembre 1871, à la suite d’un changement des tarifs postaux, l’usage de ce timbre-poste se limite à dix mois et demi. Les stocks restant seront utilisés jusqu’à quasi épuisement par mesure d’économies sur les courriers à partir de septembre 1871.
Il existe 3 timbres tête-bêche dans les planches d’impression mais ils disparaissent en février 1871 lors de la seconde période du tirage, après la levée du siège de Paris.
Imprimé en continu, les premiers timbres réalisés durant le siège sont de couleur bistre-jaune à bistre-jaune clair sur papier teinté brun très pâle grisâtre, ceux réalisés durant la Commune sont par contre bistre brun sur un papier jaunâtre.
Un retirage spécial «dit Granet» non dentelé sera réalisé en 1887 dans une couleur bistre très jaune.
Un tirage spécifique non dentelé gommé à destination des colonies sera réalisé en 1871, pour remplacer les timbres au type «Aigles des Colonies» de 1859.
Ces deux tirages spécifiques ne doivent donc pas être confondus avec les timbres non dentelés de 1850.

Cérès dite du « Siège de Paris », 20 centimes bleu

Le 20 centimes bleu a été mis à la disposition des usagers le 11 octobre 1870 dans les bureaux de la capitale uniquement dans un premier temps, puis sur l’ensemble du territoire après le 15 février 1871.
Imprimé en continu, le tirage total de cette valeur est de 79 472 200 exemplaires sur les planches d’impression déjà utilisées en 1849 pour le 20 centimes noir. Le créateur de l’illustration est le graveur Désiré-Albert Barre. Ces timbres sont imprimés en typographie à plat, en feuille de trois cents exemplaires, divisée en deux panneaux de 150 timbres (15 lignes de 10 timbres) séparé par une marge.
Il perd son usage principal et devient une valeur d’appoint le 1er septembre 1871, à la suite d’un changement des tarifs postaux portant de 20c. à 25c. le port d’une lettre simple, l’usage de ce timbre-poste se limite à dix mois et demi. Les stocks restant seront utilisés jusqu’à quasi épuisement par mesure d’économies à partir de septembre 1871.
Il existe des têtes-bêche dans les planches utilisées, au cases 101, 119 et 148 du panneau «E» et 128 du panneau «F». Ces têtes-bêche disparaissent en février 1871.
La couleur du timbre varie du bleu terne, bleu pâle au bleu foncé sur un papier assez uniforme blanchâtre. Les timbres imprimés durant la Commune se distinguent par la teinte jaunâtre assez marquée du papier.
Un retirage spécial «dit Granet» non dentelé et non gommé sera réalisé en 1887 dans une couleur bleu laiteux, en impression fine, et en bleu foncé vif.
Un tirage spécifique non dentélé gommé à destination des colonies a été réalisé en 1871, pour remplacer les timbres au type «Aigles des Colonies» de 1859.

Cérès dite du « Siège de Paris », 40 centimes orange

Le 40 centimes orange a été mis à la disposition des usagers le 18 octobre 1870 dans les bureaux de la capitale uniquement dans un premier temps, puis sur l’ensemble du territoire après le 15 février 1871.
Le tirage total de cette valeur est de 54 242 700 exemplaires. Le créateur de l’illustration est le graveur Désiré-Albert Barre. Ces timbres sont imprimés en typographie à plat, en feuille de trois cents exemplaires, divisée en deux panneaux de 150 timbres (15 lignes de 10 timbres) séparé par une marge.
Son usage prévu était l’affranchissement des lettres de 10 à 20 grammes. Il a été également utilisé dans les liaisons internationales sur de très exceptionnels courriers à ces destinations et sortis de la capitale par ballons montés, puis dans cet usage après le 28 janvier 1871 à l’issue du siège. Il correspondait notamment au tarif à destination de l’Allemagne, et donc au maintien du trafic entre les régions voisines de l’Alsace Lorraine.
Son usage normal a été assez tardif, six tirages ont été réalisés au total (répartis entre 1870 et 1876). En effet, il a fallu attendre 1878 pour disposer d’une faciale analogue au type Paix et Commerce.
La teinte des timbres varie notablement au cours de ces six années d’impression, elle varie d’un orange jaunâtre pâle (en 1872), quasiment jaune en 1874, jusqu’à un orange très foncé et très couvrant (en 1876). Le premier tirage réalisé durant le siège est très difficile à distinguer des suivants : la couleur orange présente une pointe de rose, et le papier de mauvaise qualité par rapport aux autres tirages est jaunâtre. Le papier teinté dans la masse reste dans tous les tirages peu coloré : jaune ou paille, voire blanchâtre dans certains cas.
Les planches présentent toujours les variétés « 4 retouchés » aux cases 146 et 147, mais aucun tête-bêche.
Un tirage spécifique non dentelé gommé, a été réalisé en novembre 1871, en remplacement des timbres au type «Aigles des Colonies» de 1859. Ce tirage est parfois confondu avec les timbres métropolitains émis en 1850.

 

Plan du site