L’émission provisoire dite «de Bordeaux»

Le gouvernement provisoire de «Défense nationale» s’établit à Tours, puis se replie sur Bordeaux devant l’avance ennemie. Les services postaux sont désorganisés et les timbres-poste commencent à manquer dans de nombreux bureaux. Des échanges entre les bureaux sont organisés pour parer au plus pressé et en parallèle une émission provisoire est décidée dès le 30 septembre 1870, la fabrication en est confié par Steenackers au directeur de la Monnaie de Bordeaux. Le 19 octobre ordre est donné de produire le plus rapidement possible des timbres au même type que ceux imprimés dans Paris : donc au type Cérès de 1849.

Grâce aux communications postales par ballon monté, quelques exemplaires de timbres imprimés à Paris sont disponibles dès leur livraison, et servent de modèle. Dambourgez, dessinateur et lithographe bordelais, propose un dessin d’un timbre-poste à 20 centimes réalisé à la plume qui est adopté. Ce dessin est reporté et démultiplié sur pierre lithographique et le tirage commence immédiatement. Mais très vite les traits trop fins du dessin du timbre deviennent peu lisibles, les opérations de report le rendent nuageux et flou. On demande à Léopold Yon de réaliser un nouveau dessin du timbres à 20 centimes, qui donne satisfaction et qui résiste mieux aux opérations de report et à l’usure. Léopold Yon se verra confier la réalisation de toutes les autres valeurs.
L’organisation dans le contexte de la Guerre d’une unité de production de timbres-poste en province, à partir du matériel, du papier et des gommes adhésives trouvés localement est une performance remarquable : environ 123 000 000 timbres-poste seront produit en quelques mois (d’après les études de Paul Dillemann).

Cérès de Bordeaux, 20 centimes bleu, type 1, ou «de Dambourgez»

Émis le 11 novembre 1870, dessiné à la plume par Léopold Yon et gravé par Dambourgez, en respectant au mieux le dessin des timbres produit à Paris, imprimé en lithographie localement par le gouvernement provisoire replié à Bordeaux, en raison de l’épuisement des timbres imprimés avant le début de guerre dans les territoires non occupés par les armées prussiennes. Ce type ne donne pas entière satisfaction, le dessin se brouille, et devient flou lors des opérations de reports pour la multiplication du dessin sur la pierre lithographique. Il sera rapidement abandonné et remplacé. L’impression se poursuit néanmoins jusqu’à ce que le type de remplacement soit disponible, il est aussi probable que vu le besoin important de timbres-poste à 20 centimes les deux types aient été imprimés parallèlement pendant une ou deux semaines. Je conseillerai aux collectionneurs et philatélistes de se rendre sur le site http://bordeaux.france-timbres.net/documentation/44_bordeaux.pdf 
Ce timbre sera fabriqué durant un mois seulement, et ne fera l’objet que de deux blocs-report qui se distinguent par des détails du dessin. Le 20c. bleu type 1 report 1 a été imprimé en 1 000 000 d’exemplaires dont la teinte est très variable : de bleu-noir (très rare) à bleu très pâle, en passant par l’outremer. le papier de couleur blanche est assez constant.
Le type 1 report 2 est relativement plus rare, émis seulement à 700 000 exemplaires, il présente lui aussi des variations de couleur, bien que moins étendue, bleu clair à bleu foncé.

Cérès de Bordeaux, 20 centimes bleu type 2

Emis en novembre 1870, à une date non connue, ce timbre de 20 centimes bleu dessiné par Léopold Yon et gravé par Dambourgez apparait sur le courrier de la zone non occupé par les armées Prusiennes et de leur alliés à partir du 15 novembre 1870. Ce timbre émis à 3 500 000 exemplaires avec impression sur lithographie en feuille de 300. Sa date de retrait interviendra en 1872.
Un conseil pour tous les collectionneurs et philatélistes : Rendez vous sur le site http://bordeaux.france-timbres.net/documentation/45ABC_bordeaux.pdf

Cérès de Bordeaux, 10 centimes bistre jaune

Emis le 13 novembre 1870, ce timbre de 10 centimes bistre dessiné et gravé par Léopold Yon existe en deux reports. Ce timbre émis à 10 000 000 exemplaires avec impression sur litographie est en feuille de 300. Sa date de retrait interviendra en 1872.
Un conseil pour tous les collectionneurs et philatélistes : Rendez-vous sur le site :http://bordeaux.france-timbres.net/index.php

Cérès de Bordeaux, 1 centime vert olive foncé

Emis le 5 décembre 1870, ce timbre de 1 centime olive dessiné et gravé par Léopold Yon existe en trois reports. Ce timbre émis à 24 000 000 exemplaires avec impression sur litographie est en feuille de 300. Sa date de retrait interviendra en 1872.
Un conseil pour tous les collectionneurs et philatélistes : Rendez-vous sur le site :http://bordeaux.france-timbres.net/index.php

Cérès de Bordeaux, 40 centimes orange

Emis le 9 décembre 1870, ce timbre de 40 centimes orange dessiné et gravé par Léopold Yon existe en un report connu sous de nombreuses nuances. Ce timbre émis à 3 300 000 exemplaires avec impression sur litographie est en feuille de 300. Sa date de retrait interviendra en 1872.
Un bon site pour identifier vos losanges PC ou GC : http://pcgc.france-timbres.net/
Un conseil pour tous les collectionneurs : Rendez-vous sur le site : http://bordeaux.france-timbres.net/index.php

Cérès de Bordeaux, 80 centimes rose

Emis le 10 décembre 1870, ce timbre de 80 centimes rose dessiné et gravé par Léopold Yon existe en connu sous de nombreuses nuances. Ce timbre émis à 2 400 000 exemplaires avec impression sur litographie est en feuille de 300. Sa date de retrait interviendra en 1872. Il est à noter qu »une variété porte la valeur de 88 centimes. Un conseil pour tous les collectionneurs : Rendez-vous sur le site : http://bordeaux.france-timbres.net/index.php

Cérès de Bordeaux, 4 centimes gris perle

Emis le 13 décembre 1870, ce timbre de 10 centimes bistre dessiné et gravé par Léopold Yon existe en deux reports. Ce timbre émis à 8 400 000 exemplaires avec impression sur litographie est en feuille de 300. Sa date de retrait interviendra en 1872. Il est à noter qu’il existe une variété évidente pour distinguer les deux rapports : (Y & T N° 41A) report 1, le burelage est fait de points pour le report 2 le burelage est fait de traits (Y & T N° 41B). Un conseil pour tous les collectionneurs et philatélistes : Rendez-vous sur le site
http://bordeaux.france-timbres.net/index.php

Cérès de Bordeaux, 20 centimes bleu, type 3

Emis le 13 décembre 1870, ce timbre de 20 centimes bleu dessiné et gravé par Léopold Yon existe en deux reports. Ce timbre émis à  400 000 exemplaires avec impression sur litographie est en feuille de 300. Sa date de retrait interviendra en 1872. A noter la présence de Faux pour tromper la poste pour servir Marseille et pour servir sur lettre. Un conseil pour tous les collectionneurs et philatélistes : Rendez-vous sur le site : http://bordeaux.france-timbres.net/index.php

Cérès de Bordeaux, 2 centimes brun-rouge

Emis le 14 décembre 1870, ce timbre de 2 centimes chocolat clair dessiné et gravé par Léopold Yon existe en deux reports. Ce timbre émis à 400 000 exemplaires avec impression sur litographie est en feuille de 300. Sa date de retrait interviendra le même jour. Les deux rapports sont facilement identifiable par leur couleur (Chocolat clair pour le report 1 et brun-rouge pour le report 2). De plus,  (Y & T N° 40A) report 1, le burelage est fait de points pour le report 2 le burelage est fait de traits (Y & T N° 40B). ce qui vaut à ce timbre une même cote ou valeur qu’il soit neuf ou oblitéré.
Un conseil pour tous les collectionneurs et philatélistes : Rendez-vous sur le site :http://bordeaux.france-timbres.net/index.php

Cérès de Bordeaux, 5 centimes vert sur vert-jaune

Emis le 12 décembre 1870, ce timbre de 5 centimes vert-jaune dessiné et gravé par Léopold Yon existe en deux reports. Ce timbre émis à 6 380 000 exemplaires avec impression sur litographie est en feuille de 300. Sa date de retrait interviendra en 1872. Sur le rapport 1 il n’existe pas de ligne blanche derrière la tête; l’iris de l’oeil est fait d’un trait et d’un point qui ne touche que la paupière supérieure. Le menton est en retrait de la lèvre inférieure.
Un conseil pour tous les collectionneurs et philatélistes : Rendez-vous sur le site : http://bordeaux.france-timbres.net/index.php

L’émission de Bordeaux de 1870-71, par Alain Legrand

L’émission de Bordeaux est la source de bien des recherches pour les philatélistes désireux de compléter leur collection de France. On lit dans les catalogues des termes comme « report », « état » qui ne se ne retrouvent nulle part ailleurs pour les émissions précédentes ou postérieures. Toutes les valeurs en usage alors, furent imprimées, sauf le 5 francs (1c vert-olive, 2c brun, 4c gris, 10c bistre, 20c bleu, 30c marron, 40c orange, 80c rose), ainsi que le timbre-taxe le plus utilisé (15c noir). Ces timbres servirent environ 1 an, en 1871.
Le contexte
La guerre de 1870 et la rapide avancée des Prussiens désorganisa l’état français. Réfugié à Tours, puis à Bordeaux, le ministre des finances, M. de Roussy, demanda à la Monnaie de Bordeaux, le 30 septembre 1870, s’il leur était possible d’imprimer des timbres-poste. La décision ministérielle du 19 octobre 1870, donna ordre à la Monnaie de Bordeaux de fabriquer les timbres-poste le plus tôt possible. Le 22 octobre, Steenackers, nouveau directeur général des postes et télégraphes, fournit au directeur des postes de Gironde un exemplaire dentelé du 20 c bleu, imprimé à la Monnaie de Paris et un premier essai fut réalisé par la maison Augé-Delile, sur les indications de la Monnaie de Bordeaux. Le résultat fut satisfaisant. Le modèle fut un peu retouché et le 31 octobre, un contrat fut signé entre la direction des postes de Gironde et la Monnaie de Bordeaux.
La lithographie
Ce qui différentie l’émission de Bordeaux de toutes les autres réalisations françaises de l’époque concerne le procédé d’impression. En effet, la Monnaie de Bordeaux ne disposait pas des mêmes capacités que la Monnaie de Paris et ne pouvait utiliser la typographie, c’est donc tout naturellement que l’on se replia sur la lithographie. La différence est importante. B. Remmerie avait écrit un remarquable article sur les premiers timbres où tout le processus typographique était décrit ainsi que l’explication des (rares) variétés (N° 349 à 360). En typographie tous les timbres proviennent d’un poinçon unique gravé et facilement reproductible. En lithographie, le dessin original doit être reporté 300 fois sur la pierre d’impression par des opérations moins mécanisées et donc plus susceptibles de produire des timbres différents.
Le principe de la lithographie est assez simple : il utilise la répulsion de l’eau pour les corps gras (ici l’encre). Sur une pierre spéciale aplanie (calcaire à grains très fins), on reporte le dessin à l’aide d’un crayon gras. On verse sur la pierre un acide dilué, qui n’attaque que les parties non encrées (l’eau fuit l’encre). Le dessin se trouve alors en relief sur la pierre. Lors de l’impression, la pierre est maintenue humide. On enduit la pierre d’encre. Cette encre ne se dépose que sur les reliefs car l’encre fuit l’eau qui est maintenue dans les creux par l’humidification constante de la pierre. Il ne reste plus qu’à presser sur du papier pour imprimer le dessin.
Les types
Le 20 centimes bleu était le premier à devoir être imprimé. Après divers essais, c’est la gravure sur bois du lithographe Dambourgez qui fut retenue. C’est elle qui forme le type I. Cependant, le dessin dut être modifié en raison des nombreuses opérations à faire sur les pierres d’impression. Le dessin final n’eut qu’une lointaine ressemblance avec l’original. Il fut alors fait appel à Léopold Yon, qui grava sur pierre un nouveau dessin (c’est le type II). Devant sa réussite, L. Yon se vit commander les autres valeurs. Ce type est signé «Yon» dans la grappe pendant de l’oreille de Cérès.
Les reports
Afin de pouvoir multiplier rapidement un même dessin, en ménageant la pierre originale, il fut fait appel à la technique du report : A partir de la pierre d’origine (qui ne contient qu’un dessin), on imprime sur un papier spécial (dit papier à report) 15 fois le dessin (3 lignes de 5 timbres). Cette impression est reportée sur une nouvelle pierre : la pierre-matrice ou pierre report, en décalquant le dessin imprimé à l’étape précédente avant que l’encre ne sèche, puis en versant de l’acide dilué sur la pierre pour créer les reliefs. Pour réaliser la pierre d’impression, on recommence l’opération, mais avec la pierre-report à partir de laquelle 20 épreuves sont imprimées qui sont reportées sur la pierre définitive où après décalquage et traitement à l’acide se retrouvent en relief 300 timbres. Aussi méticuleusement et soigneusement exécuté que fut le travail, il existe de légères différences entre les dessins. De plus, des retouches ont pu être effectuées sur les feuilles report. Pour avoir une idée de ces différences entre les 15 dessins des reports, consultez le catalogue spécialisé des timbres-poste du XIXème siècle édité par Yvert et Tellier. Des reconstitutions de ces reports y sont données. A noter que le timbre-taxe à 15 centimes émis à Bordeaux a été réalisé avec un report de 10 (2 lignes de 5 timbres), que nous étudierons en toute fin d’article.
Les pierres s’usent au fur et à mesure des impressions et ne permettent pas de réaliser des tirages importants corrects. Il fut donc nécessaire de remplacer régulièrement ces pierres aussi bien les pierres d’impressions que les pierres-matrice. C’est le remplacement des pierres-matrice qui est l’origine des différents reports existants pour certaines valeurs.
Les états proviennent des problèmes rencontrés lors de l’impression : pierres mal préparées, report défectueux ou fragile s’abimant en cours de tirage, encre de mauvaise composition, etc., voir des retouches sur la pierre-matrice ou sur le report papier lui-même. Les états codifient (ou plutôt essaient de codifier) l’état des pierres-matrice au moment de leur utilisation. Certains report n’on qu’un seul état, d’autres en ont connu 2 voir 3 pour les timbres ayant nécessité les plus gros tirages (et donc usé le plus grand nombre de pierres).
Pour résumer
Les types représentent les différents dessins originaux. Les reports font référence aux pierre-matrice (ou pierre report) utilisées. Il y a des reports pour chaque type. Les états sont dus à l’usure des pierres-report. Il y a au moins un état pour chaque report.
Le papier
Le fournisseur habituel de la monnaie de Paris étant la maison Lacroix à Angoulême, l’approvisionnement pour Bordeaux tout proche, put être fait normalement, mais la qualité des papiers livrés fut très variable. La technique de teinte dans la pâte fut employée pour les 1c, 4c et 80c. Pour les autres, le papier est relativement blanc.
Organisation des tirages
Les pénuries dues à la guerre, les délais très courts ne favorisèrent pas la qualité du tirage qui est très variable. Les variations de papier, gommage et surtout de couleurs sont très nombreuses. Il existe de très belles impressions (lorsque les pierres étaient neuves) et d’autres très « empâtées » (dues à leur usure). L’alimentation des bureaux fut difficile et des timbres sont plus rares oblitérés que neufs. La fabrication fut arrêtée le 14 mars 1871 et tout le matériel (pierres et outillage) détruit le 12 août. Un stock important de timbres restant fut détruit à la fin des années 1880.
© Alain Legrand (Revue éditée par l’Union Philatélique Internationale)

 

Plan du site